La Beauté des objets : I comme Isolateur

Pour évoquer la Beauté, Patrick Jouffret, designer français, a choisi de parler d’objets créés par l’humain pour accomplir ses rêves. Selon lui, au-delà des modes et des statuts, ils embellissent la fonction, rythment notre histoire et l’évolution de nos besoins. À travers cette sélection subjective, sous la forme d’un abécédaire, Patrick a la volonté d’explorer leur dimension cachée qui en font des pièces uniques, intemporelles et essentielles. Après la lettre H (comme Hache), place à la lettre I… comme Isolateur !

La céramique est l’un des matériaux qui résiste le mieux à l’épreuve du temps. L’émail, même après cinquante ans, pour peu qu’il soit nettoyé, retrouve son éclat d’origine. C’est le cas des panneaux décoratifs, de la vaisselle, des cuves industrielles, des poignées de portes et des isolateurs.

Ces derniers furent d’abord en verre puis en céramique dure, originaire de chine et chargée de kaolin, qui s’imposa pour sa blancheur et sa finesse comme sa résistance à la température et sa dureté.

C’est à la moitié du XIXème siècle, qu’avec l’avènement du télégraphe, ces curieux objets se multiplient pour isoler les fils de plus en plus nombreux. 

Le caractère sculptural de ces pièces est saisissant. Leurs formes dictées par des lois physiques mais aussi par le besoin de laisser passer ou de tendre les câbles sont surprenantes et pures à la fois. Certaines plus complexes ressemblent à la mise en trois dimensions de courbes mathématiques. D’autres s’apparentent à des pièces d’échecs, à des osselets extra-terrestres ou à des roches sculptées par un flot parfait. Les trous et passages créent des formes en négatif évocatrices qui captivent par le pouvoir du vide (comme le disait Charlotte Perriand au sujet de la philosophie Japonaise de l’espace). Et pourtant, la liberté créative de ceux qui ont conçu ces pièces est faible. On imagine les contraintes de la production de masse (des millions d’exemplaires) imposant une économie de matière ou une facilitation du moulage sous vide. 

Dans un univers complexe et métallique, ces protecteurs à l’émail brillant apportent un peu de poésie et de clarté révélant à nos yeux la beauté de l’utile associée à la qualité perçue de la céramique. Il nous parle aussi du soin accordé à une fonction vitale. Il est d’ailleurs étonnant que des pièces en telle quantité n’aient pas encore cédé à la conversion automatique en tout plastique. Peut-être que lorsqu’on ne peut discuter sur la fiabilité, la qualité prévaut et les solutions de fabrication à grande échelle suivent.