Le Rendez-vous des Divinités : Dans le sillage parfumé d’Aphrodite ou de Vénus

Le printemps s’est ouvert avec l’Equinoxe du mois de Mars et le signe du Bélier qui sont souvent vus comme une entrée dans la saison du renouveau, de l’impulsion de vie après la saison hivernale, à l’image de la pousse végétale et de l’éclosion florale.

Associé à l’Archétype féminin de la Guerrière, dans le livre Femme-Prêtresse d’Alexandra Fryda Marty @moonsistersparis, on peut y tisser les fils d’Athéna, la Déesse de la sagesse, de la guerre diplomatique et la patronne des tisserands, avec ceux d’Artémis, la fougueuse Déesse lunaire, de la chasse et des forêts, protectrice des nouveau-nés autant pour les humains que pour les animaux, amoureuse de la Nature qu’elle chérit et dont elle est la gardienne.

Et dans cette roue de l’année, après avoir posé ses limites, et avoir eu confiance dans ce renouveau printanier pour dire oui aux opportunités qui se présentent et l’assumer avec audace, nous parvenons à la saison de  « l’Amoureuse » (Femme-Prêtresse d’Alexandra Fryda Marty), la saison « cœur du printemps » avec le mois de Mai, le mois des Roses, le mois de l’éclosion rattachée à la Terre que le signe du Taureau nous rappelle, le mois de la Déesse Aphrodite, ou Vénus en latin, dont les célébrations débutaient chez les Anciens dès le mois d’avril et se poursuivaient jusqu’au seuil de juin. Il est donc temps de prendre le temps et d’apprécier les effluves sucrés et prometteurs de la jolie saison claire et lumineuse.

Pergola des Roses et d’Aphrodite, photo personnelle prise au Jardin des Plantes, Toulouse.

Il n’est pas étonnant de rattacher la Guerrière et la Chasseresse à l’Amoureuse : en effet, dans les religions et cultures égyptienne, mésopotamienne et sumérienne, on retrouve Hathor, Inanna et Ishtar (Astarté) comme des Déesses primordiales avec ces multiples visages.

C’est dans cette lignée, par syncrétisme culturel, lorsque les peuples antiques primitifs sont en pleine expansion, que s’inscrit la Déesse Aphrodite, qui est tissée de ces cultes antérieurs, comme le montre si bien l’ouvrage Déesses du parfum et de la métamorphose d’Isabelle Rieusset-Lemarié.

Déesse grecque de la Beauté, de la Séduction, de l’Amour, et de la Fertilité, appelée chez les Romains Vénus et dont le jour consacré est le vendredi (Veneris Dies), Aphrodite serait née selon la version d’Hésiode, dans la Théogonie des Dieux, de l’écume de la mer [aphros] en grec, enfantée par les gouttes de sang d’Ouranos, castré par son fils Cronos, soit Saturne.

Son origine orientale n’est pas démentie par son île de prédilection, Paphos à Chypre, où elle est appelée Cypris et qui est vénérée dans un temple réputé de l’île.

L’île de Cythère lui est également souvent associée.

On lui prête de nombreuses aventures amoureuses : mariée au Dieu de la forge, Héphaïstos, elle le trompera avec le Dieu de la guerre, Mars, et les deux amants seront surpris et enfermés dans un filet d’or forgé par Héphaïstos lui-même, qui, ainsi, les emprisonne et les montre à toutes les Divinités pour en faire la risée de l’Olympe.

Elle est également la mère d’Eros et d’Hermaphrodite avec le Dieu messager Hermès.

La mythologie antique la fait éperdument tomber amoureuse du bel Adonis, que l’on retrouve sous le nom d’Adon, amoureux de la Déesse Ishtar, dans la culture sumérienne, légende que le poète latin, Ovide, reprend dans ses Métamorphoses, en faisant naître Adonis de la sève d’un arbre, l’arbre à myrrhe, qui possède le sens étymologique de « couler goutte à goutte, distiller » et qui donne le mot grec [myrôn] qui signifie le parfum, et Adonis est l’incarnation du parfum, issu des larmes de sa mère « pleurant avec des gouttes tièdes coulant de l’arbre » (Ovide).

La beauté du jeune Adonis, ne dit-on pas « être beau comme Adonis, ou être un bel Adonis » ?, se dévoile au fur et à mesure qu’il grandit et mûrit : enfant, il est confié par la Déesse Aphrodite à la Déesse Souveraine des Enfers, Perséphone, et bientôt les deux Déesses se disputent l’amour du beau jeune homme. Il est alors tranché qu’il passera un tiers de l’année avec Aphrodite, un autre tiers avec Perséphone et le dernier tiers dans sa propre liberté.

Adonis choisit de passer plus de temps que prévu avec la Déesse de l’Amour, ce qui est vu comme une trahison du pacte divin.

Adonis sera puni en étant mortellement blessé par un sanglier fonçant sur lui et on dit, dans cet épisode mythologique, que de la dernière étreinte entre Adonis et Aphrodite serait née la Rose, teintée du sang s’écoulant goutte à goutte de la blessure du jeune homme et des larmes de la Déesse. La légende dit même que des larmes d’Aphrodite serait née une anémone, « une fleur du vent », comme les larmes de la Déesse, emportées dans le vent qui souffle dans sa longue chevelure bouclée.

Adonis restera célèbre et honoré lors des Fêtes d’Adonis, uniquement réservées aux femmes : elles se lamentaient et pleuraient le 1er jour, consacré au deuil, puis, le second jour, elles plantaient en terre, dans la joie, des graines qu’elles arrosaient d’eau chaude pour activer la pousse des jeunes plants, qui, une fois sortis de terre, se fanaient à l’image d’Adonis, fauché dans sa jeunesse par la mort.

Ces espaces de plantations s’appelaient « les Jardins d’Adonis ».

Statue d’Adonis et d’Aphrodite, en marbre blanc, du sculpteur Antonio Canova, 1795, conservée au Musée d’Art et d’Histoire de Genève.

Aphrodite n’est pas que la Vénus Botticellienne édulcorée et sirupeuse qui joue de sa séduction, elle peut aussi se révéler dans des zones d’ombre plus prononcées, comme la vindicte ou la jalousie : cette « Amoureuse du rire, cette Mère du désir, cette Déesse qui retourne les cœurs » peut se révéler une « Tisseuse de ruses » : elle punit Psyché, tombée amoureuse d’Eros, en tramant le scénario de sa perte car la beauté de la jeune femme est vénérée par les habitants du pays au point de négliger le culte d’Aphrodite. De même, la Déesse se venge de femmes qui la délaissent en les affligeant d’une odeur nauséabonde au point que les hommes les fuient.

Aphrodite est qualifiée par l’épithète [Philopannux], celle qui aime la nuit profondément noire, intensément sombre, elle est associée à une « Tueuse d’hommes » ou à la « Dame des Funérailles ».

Comme la Rose qui est son attribut principal, la Déesse sait user de ses épines.

Pour autant, Aphrodite est en sculpture, en céramique, en peinture, l’une des Déesses antiques les plus empruntées, pour la palette d’émotions qu’elle procure.

Aphrodite est honorée dans de nombreux lieux et souvent en rapport avec la mer, elle est d’ailleurs protectrice des marins et en forte relation avec l’eau, comme la version mythologique de sa naissance, née de l’écume des flots, le souligne.

La Déesse Aphrodite, ou Vénus, fait beaucoup parler d’elle dans l’Antiquité tout comme encore aujourd’hui.

Elle peut, elle aussi, être au cœur du tissage entre l’Antiquité et la Modernité. La ville de Port-Vendres  dans les Pyrénées-Orientales, près de Collioure, en offre un bel exemple.

Possédant un port célèbre depuis l’Antiquité, la ville, malgré la tramontane qui pouvait sévir violemment, proposait un lieu sûr de mouillage lors des navigations commerciales que les Grecs effectuaient.

Etymologiquement, elle est appelée « Portus Veneris », le Port de Vénus et un temple lui était consacré pour favoriser les déplacements maritimes sous les meilleurs auspices et remercier la Déesse de sa protection bienveillante.

Photo de Port-Vendres.

De nombreuses statues de Vénus ou consacrées à la féminité dans toute sa beauté et sa sensualité émaillent la promenade de Banyuls, sous le ciselage maîtrisé du sculpteur Aristide Maillol qui crée de véritables odes au féminin dans ses œuvres, comme certaines places de Perpignan, avec la statue de Vénus au collier.

Statue de bronze de Vénus, Aristide
La jeune fille allongée, statue de bronze, Aristide Maillol, Banyuls.

A Sparte, Aphrodite est une Déesse Guerrière et Génitrice.

La Vénus d’Arles, au Musée de l’Antiquité, reflète bien cette Guerrière victorieuse, « dispensatrice de la vie et mère des fruits », comme l’écrivait, le poète philosophe latin, Lucrèce, dans le De Natura rerum.

Venus Victrix, « celle qui dépose les armes après la victoire », moulage du XVII° siècle d’après une statue antique retrouvée lors de fouilles archéologiques, Musée de l’Antiquité, Arles, photo personnelle.

Vénus devait tenir initialement un glaive.

Aphrodite est [pandémos], elle est « à tout le peuple » car elle gouverne les dieux, les hommes, les animaux et toute la Nature, elle détient un pouvoir sur tout et sur tous :

« C’est à toi que toute espèce vivante doit d’être conçue et de voir, une fois sortie des ténèbres, la lumière du soleil. » (Lucrèce)

Aphrodite est à la racine de toute naissance, avec l’Amour au cœur de tout.

Vénus, chez les Romains, sera avant tout une Déesse verte, une Déesse des jardins, de la fertilité et de la fécondité.

La Rose est un de ses attributs favoris : sur l’île de Samos la rose est cultivée en l’honneur de la Déesse, déclinant ses teintes du blanc nacré au rouge carmen. Ses collines se recouvrent de fleurs champêtres comme le coquelicot, la pâquerette, les roses trémières mais aussi se tapissent de la garrigue grecque avec les aromates tels que le thym, le romarin, la sauge et le myrte (issu de la même étymologie que la myrrhe).

Dans l’Antiquité, on couronnait les jeunes mariés d’aubépine, mais aussi de couronnes de roses sauvages, les fleurs de l’églantier.

Lors des Fêtes de Vénus, les Veneralia, les élégantes Romaines s’enduisent le corps d’huile odorante et de parfums dont la base est souvent constituée d’extraits de rose, d’iris, et de violette.

La sensualité vénusienne se répand dans les airs printaniers.

Les attributs de la Déesse ayant trait à la coquetterie et à la séduction sont très liés au Jardin.

Alors parcourons le Jardin d’Aphrodite avec quelques plantes et fleurs qui sont nommées en son honneur.

La Pergola aux Roses, Jardin des Plantes, Toulouse, photos personnelles.
Promenade au Jardin antique méditerranéen, Balaruc-les-Bains, photo personnelle.

Outre les Roses, se trouve dans ce Jardin le Calycanthus d’Aphrodite, « l’arbre aux anémones », en référence à l’épisode mythologique d’Adonis.

Nous y rencontrons aussi l’iris Aphrodite.
L’Achillée millefeuille ou sourcil de Vénus flatte nos yeux dans ce Jardin vénusien.
Achillée Millefeuille, photo de La Cueilleuse Sauvage.

Le myrte servait à parer la nudité d’Aphrodite lorsqu’elle sort des flots de l’île de Paphos. On dit que les jeunes filles, le jour de leur mariage sur cette île, le portent en couronne.

On trouve également au Jardin les Cheveux de Vénus, le Peigne-de-Vénus, le Miroir de Vénus ou encore la plante comestible, le Nombril de Vénus.

Photo du Legousia Speculum Veneris, ©Sophy.
Photo du Nombril de Vénus, ©Lakko.

Ou encore la Baignoire de Vénus, appelée ainsi de façon très poétique, car la cardère récolte l’eau dans ses feuilles, et cette eau était jugée une eau de beauté dans l’Antiquité.

La Cardère.
Source : http://lymeaware.free.fr/lyme/Phytotherapie/cardere.pdf

Enfin, le sabot de Vénus ou chaussure d’Aphrodite est une variété d’orchidée, jugée la plus belle d’Europe : le Cypripedium Calceolus (Cypris pedium : pied de Cypris, autre nom de Vénus/Aphrodite).

Une légende romaine raconte qu’un jour, surprise par un berger, Vénus voulut s’enfuir et en perdit une chaussure pourpre et or. Le berger, en voulant la ramasser, la vit disparaître sous ses doigts.

Cette orchidée est un piège à abeilles, mais un piège inoffensif : cette fleur sécrète un nectar qui attire l’insecte et une fois dedans, il n’a rien à butiner mais il s’enveloppe d’un pollen, et en ressortant, il répandra la semence de cette fleur de sorte qu’ainsi, la fleur assure sa reproduction.

Enfin, nous atteignons le carré des aromatiques dans le Jardin d’Aphrodite où trône en reine, la Verveine, appelée « herbe de Vénus », qui purifie, égaye, protège. Véritable « plante de l’amour », elle sert dans les incantations des Magiciennes-Sorcières lorsqu’elles en appellent à Hécate, tout comme à Vénus, pour faire revenir un amour disparu…

Sappho, poétesse grecque, appelée la Dixième Muse aux cheveux tressés de violettes, s’adresse dans le poème « Extase » à la Déesse Cypris, dans lequel nous retrouvons un autre de ses attributs fétiches, la pomme, et la fleur de pommier :

« Viens à moi, Déesse, en ce temple de pureté. Ici, ton agréable bocage de pommiers, et tes autels embaumés d’encens.

Une eau limpide y murmure à travers les branches chargées de fleurs de pommiers, tout cet espace est couvert d’ombre par les odorantes roses sauvages. Le feuillage léger tremble et nous fait glisser dans un sommeil enchanté.

Dans la prairie, dans l’herbe nourricière, la foison des fleurs vernales est éclose, et les souffles du vent ont la douceur du miel.

« En ce lieu, oui, toi, Déesse Cypris, dans les coupes d’or, comme un vin de délice qui se mêle à nos fêtes en fleurs, que le nectar par toi soit versé. »

Profitons pleinement de la Saison du Taureau, du joli mois de Mai, de cette entrée dans la période épicurienne des beaux jours prometteurs, et régalons-nous des effluves embaumés des journées lumineuses que le printemps nous offre…

Illustration de Justyne, @saltystudio_france.