Rencontre avec Pauline Croom-Nadal, céramiste et viticultrice

Comment peut-on se forger sa propre voie créative en tant qu’artiste tout en préservant un héritage familial transmis depuis six générations ? Eh bien, une femme m’a appris que c’était possible et m’a montré comment équilibrer le passé, le présent, la vision artistique et l’héritage familial. Cette femme c’est Pauline-Croom Nadal.

Pauline est l’une des premières personnes que j’ai rencontré lorsque j’ai déménagé dans le sud de la France. Dès que je l’ai vue et que je lui ai parlée, je l’ai trouvée impressionnante, mais d’une manière très humble et enjouée. On ne se douterait pas qu’elle porte sur ses épaules le poids de l’héritage du domaine viticole familial, sans compter ses propres projets artistiques ; elle incarne la grâce et la force. Cela fait 3 ans que je vis dans le sud de la France et j’ai pu apprendre à connaître sa famille – ils m’ont ouvert non seulement leurs bras mais aussi leur ancienne chapelle qui se trouve sur leurs terres viticoles ; ils m’ont invités à diriger une méditation sonore au Nouvel An entre ces murs de pierres qui ont près de 1000 ans. C’était l’un des sentiments les plus puissant que j’aie jamais ressentis. Le terrain de 115 hectares est l’un de ces endroits qui vous ramènent à une époque plus simple : les arbres sont géants et donnent l’impression de toucher le ciel, les allées cachées vous emmènent sur des chemins qui évoquent des vies passées, le lac et la rivière qui coule vous rappellent que l’eau est l’essence de la vie et vous pouvez imaginer les femmes de l’époque remplissant leurs seaux d’eau. Les animaux se baladent dans la cour librement et sans crainte. Tout ce que font les Nadal est fait avec tant de soin et de respect pour la terre ; de leur énergie solaire, à la façon dont le père de Pauline s’occupe encore de chaque vigne de ses propres mains. Ce ne sont là que quelques-unes des raisons pour lesquelles j’ai estimé qu’il était important de partager la Beauté que Pauline et sa famille propage depuis des générations.

Peux-tu te présenter brièvement ?

Je m’appelle Pauline, je suis née dans le sud de la France. J’ai grandi sur le vignoble de ma famille, où je passais la plupart de mon temps à me cacher et à jouer dans les champs de vignes. J’ai commencé mes études aux Beaux-Arts de Paris puis j’ai été admise à Central Saint Martins à Londres, où tout mon univers s’est magnifiquement effondré ! Après 3 ans de travail acharné (je dois dire que mon anglais était extrêmement mauvais)… J’ai obtenu mon diplôme et j’ai commencé à travailler dans un studio de céramique dans l’est de Londres et j’ai également assisté l’un des meilleurs décorateurs de Londres durant la Fashion Week. À cette époque, je travaillais également pour l’exploitation viticole de mes parents. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à voyager pour assister à des salons internationaux du vin, rencontrer des clients et présenter nos vins biologiques. Je suis maintenant céramiste/viticultrice/graphiste, basée à Perpignan, avec mon mari et mon fils de 2 ans.

Où va se cacher le Beau ? Le beau est-il dans l’ordinaire ? 

La beauté se cache dans la lumière. La beauté est, pour moi, révélée par la lumière et peut bien sûr être trouvée dans l’ordinaire.

Qu’est-ce qui t’a émerveillé pour la première fois enfant ? T’en souviens-tu ?

Les fleurs. Je voulais devenir fleuriste étant petite.

Quand as-tu su que travailler pour le vignoble de ta famille faisait partie de ton héritage et comment cela a-t-il modifié tes propres désirs ?

J’avais 21 ans, je voyageais en Chine pour présenter le vignoble familial. Je proposais des dégustations et transmettais sans le savoir, cette passion cachée. J’ai commencé à réaliser à quel point cet héritage était important pour moi. Tout a soudain pris un sens.

Peux-tu décrire ce que c’est que de travailler sur/et avec ces terres qui appartiennent à ta famille depuis des générations ?

Travailler sur/et avec ces terres, c’est vraiment quelque chose. Il y a toujours un « petit » poids sur les épaules car je suis la sixième génération… Non mais pour être honnête, c’est magique. La partie la plus difficile du travail est d’entretenir ce que mes grands-parents et parents ont mis leur vie à construire. Ils ont fait un travail incroyable sur ces terres, en cultivant les vignes et en rénovant la cave, la maison d’hôtes, la salle de réception et, dernièrement, la chapelle du XIIe siècle. J’ai surtout travaillé sur l’image de marque de nos vins, c’était ma petite « rénovation » à moi. Les étiquettes étaient très traditionnelles et passées de mode. J’apprends évidemment encore beaucoup en suivant mon père dans les vignes. C’est incroyable, car mon père est un professeur extrêmement patient. Je peux poser les mêmes questions cent fois et il me répondra toujours. Il y a tellement de choses à savoir dans ce domaine. J’adore apprendre, et ce qui est génial avec la viticulture, c’est qu’on apprend toute sa vie.

Comment concilies-tu ta formation et ta vision artistiques avec ton travail sur le vignoble ?

J’ai organisé quelques expositions d’art sur le vignoble avec mon travail et celui d’autres artistes. J’ai maintenant mon studio de céramique dans la cour, où je vais me cacher et créer des choses pendant mes pauses déjeuner. Mais le processus d’élaboration du vin est définitivement un art en soi, car nous créons véritablement quelque chose. À partir du sol et des arbres, que nous avons entretenus toute l’année, nous récoltons les raisins, en faisons du vin et le mettons en bouteille. C’est une sensation incroyable ! Nous avons d’ailleurs créé notre première cuvée entre sœurs et c’était génial. Le fait de travailler sur les étiquettes de vin me permet également d’apaiser mon esprit artistique. J’ai carte blanche alors je m’amuse beaucoup !

Quelle est la première œuvre d’art que tu as créée et dont tu étais fière ?

Un estomac en verre avec des dents en céramique à l’intérieur.

Sur quel projet travailles-tu actuellement et quand le partageras-tu au monde ? Quel est message veut-il transmettre ?

C’est un projet que je réalise avec l’une de mes sœurs, Marie Luce Nadal, qui est elle aussi une artiste mais basée à Paris. Je fabrique de grands récipients/jarres à vin en argile noire. Je ne peux pas vraiment en parler pour le moment… Mais elle a réalisé un film qui retrace l’ensemble du projet et qui sera bientôt dévoilé !

C’est peut-être une question courante, mais pourrais-tu nous citer trois personnes qui t’inspirent et nous dire ce que tu trouves Beau chez elles ?

  • Yves Klein pour ses peintures de feu et son bleu Klein.
  • David Medalla pour ses machines à bulles cinétiques.
  • Roman Signer pour sa définition de la sculpture et des explosions.

La beauté de leur art se cache dans l’action et l’impulsion. La façon dont ils définissent leur art est particulièrement intéressante. Ce n’est pas seulement joli, c’est soudain, c’est explosif et c’est ce que j’aime.

Crois-tu que la Beauté nous sauvera ? Comment ?

Un « cercle vertueux » où chacun ferait un geste honnête et gentil envers son voisin sans rien attendre en retour. Juste de la pure gentillesse pour aider. Tout serait tellement plus beau.