Premier voyage en bibliothérapie

Lire pour s’inspirer, écrire pour respirer. Tel pourrait être le mantra d’Anne-Charlotte Sangam, autrice et éditrice. Convaincue des vertus de la bibliothérapie, elle vous donne rendez-vous chaque mois pour partager avec vous ses lectures.

Mon envie ? Vous parler ici de bibliothérapie. Car, oui, j’en suis convaincue, les livres nous soignent, nous nourrissent. Dans leurs pages, on trouve des remèdes pour tous les maux : la mélancolie, le spleen, le chagrin d’amour, le deuil, la séparation… Il suffit de les interroger, ils sont là, prêts à nous répondre. Une vraie magie émane d’eux.

Pour ce premier rendez-vous, je me demande par où commencer, quel livre choisir. J’arpente ma bibliothèque, lis les dos, les titres, les noms d’auteurs… Les souvenirs jaillissent. Celui-ci ? Ou peut-être celui-là ? J’attends que l’étincelle vienne. Ma main se tend vers un poche.Cet amour-là de Yann Andréa. Je l’ai lu en 2002, il y a dix-huit ans – le mois et l’année inscrits sur la première page du livre me permettent de remonter le temps. Je parcours quelques mots, une page. C’est décidé, ce sera celui-là.

Pourquoi ce livre ? Parce qu’il parle d’amour, de littérature, et d’amour de la littérature.Aussi je trouve que c’est une jolie façon de commencer cette exploration.

La beauté saisissante de l’écriture 

Yann Andréa a été le compagnon de Marguerite Duras. Il lui a d’abord écrit des lettres et des lettres, avant de partager sa vie et son écriture. Dans cette société qui célèbre l’immédiateté, qu’il est bon de ralentir, de lire, de prendre le temps de déchiffrer les mots et de tourner les pages une à une. Yann Andréa est d’abord tombé amoureux d’un nom, de ce nom que l’autrice s’était choisi, de quelques lettres : D U R A S. Puis, pendant des années, il a tapé ses textes, tentant de suivre le rythme de la voix, de l’écriture qui naissait, de n’oublier aucun mot. Il l’a aussi inspirée. D’abord, elle lui donne ce nom, « Yann Andréa », elle le rebaptise, puis elle en fait un personnage de papier. Vous pourrez le retrouver notamment dans Yann André Steiner et L’homme Atlantique.

Yann Andréa et Marguerite Dumas en couverture de Cet amour-là, Le Livre de poche, 2001. 

Dans ce livre qu’il écrit trois ans après la mort de Duras, survenue en 1996, Yann Andréa dépeint cette « grâce de tous les instants », « la façon d’aller chercher le beau, de trouver le mot juste » et confie tout ce qui faisait la singularité de cet amour-là.

La beauté des livres et de la lecture 

À travers ce récit, on saisit également la si grande beauté des livres et de la lecture. « La lecture des livre est sauvage, je ne peux pas en parler, à personne, j’ai peur d’en parler. Que les autres se moquent. Que les autres se moquent. Que les autres n’aiment pas les livres, ou pas assez, ou pas comme il le faut. » écrit-il.

C’est un livre qui parle de beauté aussi – celle de l’échange épistolaire – même à sens unique –, celle de l’attente – et des endroits où Duras voyait la beauté « Elle dit : on va aller faire un tour à Honfleur. Je veux vous montrer la splendeur du Havre. Les lumières. C’est la chose la plus belle au monde. »

Si vous avez envie de lire l’histoire d’un amour intense, profond, puissant qui lie un jeune homme et une femme bien plus mature, si vous aimez la joie et la mélancolie, les tréfonds des abîmes aussi, si vous êtes partants pour une promenade à Trouville, ce livre est fait pour vous.

Hôtel des Roches Noires, Trouville

Pour quelles peines ? 

Quels maux soigne-t-il ? Me demanderez-vous peut-être. Je ne sais pas. Il me semble qu’en nous nourrissant de beauté, d’amour, d’espérance – malgré le gouffre, la souffrance, la destruction, la violence –, il pourrait guérir toutes les peines. C’est un livre qui soigne, oui, car il nous emplit de beauté. Il nous emplit de la beauté, de la richesse des mots en train de s’écrire, de la force de l’écriture. Des livres qui s’écrivent on ne sait comment, qui viennent d’on ne sait où. « Je ne sais pas qui écrit, je ne sais pas ce qu’est écrire. » dit Duras. Alors ? Quand je vous disais qu’il s’agit de magie…

Adapté au cinéma en 2002 par Josée Dayan, avec Jeanne Moreau dans le rôle de Marguerite Duras.